Mon Italie creepy

Mon Italie creepy

Je m’étais juré de ne pas céder aux sirènes de la facilité, et voilà que pourtant, cette année, je me suis dit « Et si j’écrivais un article spécial Halloween ? »

Est-ce l’ambiance glauque et mystérieuse qui s’est emparée de Venise en même temps que l’automne, et le brouillard, lui sont tombés dessus ?

Moi qui n’ai presque jamais fêté Halloween, voilà que j’ai envie de parler de cimetières, de trucs glauques, de souterrains, de lieux hantés… Je n’ose pas penser à ce qu’un psychanalyste dirait de ces désirs soudains.

Oubliez la dolce vita, les cigales et les vespa, aujourd’hui, je vous parle de ces lieux chargés de mystère qui mettent un petit frisson, même sous le soleil italien !

PS : pour certains lieux je n’ai pas de photo personnelle (avant, je ne m’intéressait pas trop à la photo, j’en faisais peu et elles étaient moches), donc parfois j’ai puisé dans les images libres de droit sur flickr, vous trouverez le nom de l’auteur en légende 🙂

L’île des morts ou le cimetière San Michele à Venise

Une journée d’octobre à Venise. Sur les quais, Fondamente Nove, le vent est froid, la brume, épaisse, laisse deviner les îles au loin. Une silhouette de gondole apparaît telle une ombre. Non, vous n’êtes pas victime d’hallucinations. Plus personne ne se rend – mort ou vif – sur l’île de San Michele en gondole, mais une sculpture plantée dans les eaux de la lagune rappelle ce passé où la gondole ne servait pas qu’aux touristes amoureux.

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La vue sur la Sérénissime depuis l’île des morts

La traversée est brève, le vaporetto pour Murano, chargé à raz-bord, dépose rarement plus de cinq visiteurs sur l’île cimetière de San Michele. Vous posez le pied incertain sur cette terre humide où Venise enterre ses morts depuis le XIXe siècle.

Avant de choisir de les exiler sur une île, la Sérénissime les enterrait autour des églises. On raconte ainsi que si certains campi de Venise ont des dalles inégales, c’est à cause des morts qui, d’en dessous, poussent pour sortir… Ambiance.

Le cimetière alterne tombes bien rangées sur de vastes étendues d’herbe et recoins torturés ou l’on passe d’un couloir à l’autre, entrant dans un cloître ou une église. Muré, de grandes fenêtres permettent d’admirer Venise, la ville des vivants vue depuis la terre des morts.

tombe italie creepy
La tombe de Felice (« Heureux » en italien)

>> île de San Michele, Venezia, accessible en vaporetto depuis les Fondamente Nove (env 10 minutes), accès gratuit (sauf billet de vaporetto 7,50€)

Le cimetière acatholique de Rome

La ville éternelle a beau être le siège de Sa Papauté, tout le monde n’y est pas chrétien. Pour enterrer ses morts d’autres religions, Rome les a réunis dans un seul cimetière situé derrière l’étrange Pyramide de Celcius, au sud de la ville.

Photo par Ho visto Nina volare

Cet univers calme est habité par une tranquille colonie féline qui prospère en mangeant les riches portions de pâtée généreusement distribuée par les mamies du quartier. Entre deux statues d’anges, vous ne risquerez donc pas de tomber sur le gardien mais bien sur un matou obèse, gardien du dernier repos des juifs, protestants, orthodoxes, athées ou anglicans de Rome, célèbres ou anonymes.

>> Cimitero acattolico di Roma, via Caio Cestio, Roma (accès gratuit) 

Le jardin des satyres à Rome

En face de l’Université Américaine de Rome, dans le quartier vert et bourgeois de Monteverde, ce petit parc pourrait sembler banal. Pourtant, à peine entré, vous y serez accueilli par d’étranges statues aux regards démoniaques. Monstres et satyres prospèrent entre les arbres, mangés par la mousse, absorbés par les arbres. Sur leurs faces minérales se lisent perversion, diablerie ou esprit farcesque, prêtes à se jeter sur le visiteur trop curieux.

Et si le chant joyeux de la fontaine murmure au loin, ne vous y fiez pas, ce n’est que pour mieux vous confondre.

Photo par Anthony Majanlathl

>> Villa Sciarra, Viale delle Mura Gianicolesi, Roma (accès gratuit)

Les souterrains des îles Tremiti

Le bleu à perte de vue, les bateaux qui semblent voler sur les eaux limpides, le cri-cri des cigales, l’odeur des pâtes aux palourdes… il y a dans l’air, aux îles Tremiti, un parfum de paradis.

Mais l’archipel a aussi sa face sombre. Une histoire faite d’exils, de violences, de batailles et d’assauts. Sur l’île principale, l’église bâtie en pierre blanche a des airs de forteresse. Normal, elle a été construite pour protéger les prêtres et la petite communauté de l’île des pirates et autres assaillants. Sous l’église fortifiée, autour de ses cloîtres et de ses dépendances, un réseau de souterrain étend mystérieusement ses ramifications. Jusqu’où ? Je ne saurai le dire. S’aventurer sans lampe de poche dans ce labyrinthe aux dimensions incertaines m’a semblé peu prudent. Une chose est sûre : on s’est caché dans les souterrains des îles Tremiti, et certaines salles ont été utilisées récemment. On y trouve divers objets abandonnés du siècle précédent, comme un réfrigérateur publicitaire des années 60 ou une machine à pâtes.

îles tremiti
De vastes salles voûtées à explorer à l’infini

>> Îles accessibles en ferry depuis le port de Termoli (compter 1h environ de traversée)

Dans une nécropole en Sicile

Vallées arides, montagnes pelées. La route est un ruban sec qui trace son sillon solitaire dans une nature désolée. La petite guitoune touristique ne distribue plus de cartes de la réserve, mais vous suggère de faire une photo du modèle d’exposition, partiellement effacé par les nombreux doigts qui y ont pointé le même point.

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Désert sicilien

« Vous êtes ici »

C’est à dire au milieu de nulle part. Pantalica. Une sorte de gorge abrupte au fond de laquelle coule un fleuve, l’Anapo. Une fois abandonné le sentier carrossable, on part en exploration sur les chemins, et les nombreuses tâches noires aperçues aux alentours prennent leur sens.

Une randonnée au milieu des morts, c’est ce que nous offre la réserve. 5000 tombes, dont une partie encore inexplorée. Aucun balisage ou presque, les pas suivent les traces d’autres pas, presque au hasard. Voilà que l’on entre dans une tombe, puis dans une autre, trouvant gravats, fresques, éboulis ou figuiers sauvages.

Au fil de la descente le bruit de l’eau se fait plus clair et l’atmosphère hésite entre le bucolique chant du ruisseau et le romantisme de ces tombes anonymes percées dans la montagne par des ancêtres oubliés.

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Les berges sauvages de la rivière glaciale
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Les premières tombes que nous rencontrons
pantalica sicilia
Au pied du fleuve, des troglodytes ou des tombes ?
italie halloween
La randonnée continue les pieds dans l’eau

>> Riserva naturale di Pantalica, Sicile, accès en voiture par la route provinciale 45

La villa des monstres à Bagheria

Pourquoi une foule de monstres accueille-t-elle les visiteurs de la villa Palagonia à Bagheria, en province de Palerme ? Les théories sont nombreuses et l’histoire confuse.

italie creepy
Aux premiers abords, une charmante villa dans son écrin luxuriant

Le propriétaire de cette villa à l’architecture ronde carnassière était-il si laid qu’il préférait s’entourer de monstres pour atténuer sa propre monstruosité ?

Voulait-il éloigner les fâcheux prétendants de sa fille si jolie en leur faisant peur ?

Les miroirs de la salle de bal renvoient une réponse ambiguë à ces questions : beau ou moche, tous s’y voient déformés en un reflet caricatural et étrange.

Les monstres du mur d’enceinte regardent les habitants
Hey ! Pssst
L’intérieur de la villa
Trompe l’oeil

>> Villa Palagonia, Bagheria, proche de Palerme (entrée payante, autour de 6€)

Les catacombes de Palerme

Moustachus, barbus, coiffés d’un bonnet d’évêque, vêtus de velours mangé par le temps, les crânes ont tous la même expression inquiétante : grands orbites sombres au dessus de mâchoires incomplètes.

Les morts des catacombes de Palerme sont au garde à vous pour l’éternité. Ces corps embaumés au XVIIIe siècle ont été ensuite fixés, debouts, le long des murs de ce caveau souterrain. Rangés par sexe, métier et classe sociale, ils nous offrent un aperçu de la société palermitaine de l’époque.

On ne peut pas nier qu’il y a une ambiance de dingue – Photo de Juan Antonio Segual

Cette drôle de mode de l’embaumement n’a pas duré bien longtemps en Sicile, juste le temps d’accumuler 8000 cadavres, de quoi remplir les allées de ce souterrain.

On racontait à l’époque que le lieu avait des propriétés spéciales permettant une meilleure conservation des corps. A voir l’état presque parfait d’un petit cadavre d’enfant dans son landau, on leur donnerai presque raison.

>> Catacombe dei Cappucini, Palermo (entrée payante, 3€)

Dans les entrailles de Naples

Sous le chaos vibrant de Naples, s’étend un royaume d’ombres et de silence. La ville est creusée d’un immense réseau de galeries souterraines, utilisées à toutes les époques pour des besoins les plus variés. Conduits d’eau, cachettes, refuge pendant les bombardements, voire décharge publique, les sous sols de Naples sont loin d’être ennuyeux.

Photo par Antonio Manfredonio

La visite, organisée, court le long de ces couloirs étroits, illuminés par la lumière jaune des lampadaires électriques. Parfois, c’est la bougie qui prend le relai, étirant les ombres des boyaux les plus étroits creusés dans la roche. Jouets, casseroles ou objets domestiques gisent de ci de là, pendant que le guide raconte l’histoire des souterrains.

Photo d’Andrea Tosatto

Soudain, une trappe est poussée, et l’on fait irruption dans un appartement : un antique lit, placé sur une planche amovible, se soulève pour nous laisser entrer au rez-de-chaussée d’un immeuble, retour sur la rue.

>> Les souterrains de Naples, visite guidée et payante (autour des 6€)

Sur la route des morts chez les étrusques

La Toscane et le charme immanquable de ses routes de carte postale ! Image d’épinal : une décapotable rouge sillonne les routes bordées de cyprès, c’est le printemps, tout le monde est heureux. Et si je cassais cette ambiance romantico-bucolique pour vous parler tombes, cité des morts, caveau funéraire ? Ne partez pas !

La Toscane correspond en grande partie au territoire d’un peuple antique fascinant : les étrusques. Ces voisins des romains ont construit dans le tuf leurs villages, on les visite encore aujourd’hui. Mais en flânant d’une ruelle à une autre dans le joli village de Sorano, par exemple, vous apercevez sur le versant opposé de sombres caves…

Dans une tombe étrusque

Les étrusques enterraient leurs morts à l’extérieur de leurs villes. Et ils ne se contentaient pas de creuser des trous de l’autre côté de leurs murs d’enceinte, non. Généralement, les nécropoles étrusques se situent en face de la cité, de façon à ce que les vivants puissent contempler leur finitude.

Pour déménager les morts vers leur nouvelle adresse, ils creusaient donc profondément dans le tuf des voies, le long desquelles étaient portés les morts en procession avant de rejoindre leurs caveaux.

Aujourd’hui, on s’y promène bien au frais, apercevant de temps à autre la ville des vivants, au loin, sur l’autre versant.

Dans la nécropole

PS : si un spécialiste des étrusques passe par là et qu’il veut apporter nuances et précisions, je lui laisse la parole, je ne suis pas experte. Je ne fais que rapporter ce que j’ai compris lors de mon voyage en étrurie 🙂

>> Pour connaître le nom des lieux à visiter chez les Etrusques, lire mon article dédié 🙂

Et vous, quels sont les lieux les plus creepy que vous ayez visités en Italie ? Racontez-moi tout, j’adore l’ambiance abandonnée, les lieux déserts, le crépi qui s’effrite, les salons surannés, les jardins sinistres…

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3 thoughts on “Mon Italie creepy”

  • Oooh super intéressant comme article ! J’adore lire des histoires qui font peur (sachant que je n’en aurais jamais à raconter, grande froussarde que je suis !) 🙂 Brrr cette photo des catacombes de Palerme, impressionnant à quel point l’état des corps semble bon !
    Un endroit qui m’intrigue énormément en Italie (et pas loin du tout de chez toi), c’est Poveglia… Je serai curieuse de savoir ce que tu en as entendu de la part des locaux 🙂
    Merci pour ces articles qui changent un peu des thèmes classiques, c’est cool de varier selon la saisonnalité !
    Belle soirée

    • Oui j’ai entendu des histoires à propos de Poveglia, des amis à moi y sont allés cet été. Il faut avoir une barque cependant… des légendes un peu sinistres courent sur les lieux, donc pour jouer à se faire peur il semble que ce soit un endroit tout trouvé !

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