A Padoue, il y avait un cinéma, devant lequel passe le tram bleu, où un chat roux et blanc accueillait les visiteurs.
Le cinéma est toujours là, mais Fulvio, le matou, s’en est allé.
Depuis 18 ans, un rituel s’était installé : avant d’entrer en salle, les spectateurs cherchaient le chat, pour le saluer, lui faire une caresse, ou lui offrir des croquettes.
Parfois, le film commençait un peu en retard : Fulvio s’était endormi sur un projecteur, il fallait gentiment le déplacer.
Hors des horaires d’ouverture, en se promenant dans le quartier, on pouvait croiser Fulvio, collier bleu au cou, dans les rues autour du Lux. Pour lui apprendre la liberté, Mario, gérant du cinéma, a suivi le chat toutes les nuits pendant un mois. A chaque voiture ou tram en approche, il le hélait, jusqu’à ce que l’animal ait appris à slalomer en sécurité.
Quand on le croisait dans la rue, si on l’appelait, il se retournait. On avait l’impression de le connaître. Qu’il nous connaissait.
Fulvio, c’était un peu un acteur, toujours présent quand les spectateurs entraient en salle. Sur le comptoir ou sur l’un des canapé, il saluait son monde. Avant de s’en aller de son pas nonchalant explorer le quartier.
Une chtar du cinéma
Sur le site du cinéma, une page entière est dédiée à Fulvio. Dans les bras de réalisateurs ou acteurs venus au cinéma Lux, le matou côtoie tout l’univers du septième art italien et international. Andrej A. Tarkovskji, Andrea Segre, Luca Tornatore, Madeleine Olnek ou Ursula Meier ont posé avec Fulvio.
Surnommé le cine-gattone, clin d’œil au cine-panettone (films de noël en italien), Fulvio était l’âme du cinéma Lux. Sur la page facebook, le Lux publie un post « sans Fulvio, c’est toute une façon d’être qui est à réinventer. (…) Sans Fulvio, le cinéma Lux redevient une salle comme les autres ? Non, il aura laissé son empreinte, pour nous rappeler que le Lux est un lieu spécial ou le cinéma n’est pas que commercial, mais un vecteur de culture et de socialité. »
En fait, Fulvio rendait le cinéma Lux spécial, et le cinéma Lux faisait de Fulvio un chat exceptionnel. Une relation de réciprocité qui enrichissait autant l’un que l’autre.
Moi, je continuerais de prendre le tram pour aller au Lux. Et d’en rentrer à pied, à travers le Prato della Valle baigné de nuit, en songeant à Fulvio et à tous les films que j’ai eu le plaisir de voir dans son cinéma.
Toutes les photos illustrant cet article m’ont été gentiment fournies par le Cinéma Lux. Suivez-les sur les réseaux sociaux : facebook, instagram.