Les trains pour Venise s’y arrêtent mais la plupart des voyageurs venus voir la Sérénissime n’y pensent même pas. Visiter Padoue, alors qu’ils sont venus pour les gondoles, les canaux, le Spritz et le Carnaval ? Alors le train repart, et vingt minutes plus tard, enfin, s’arrête à la gare de Santa Lucia. Les voyageurs qui ne se sont pas trompés en descendant à Venezia Mestre (ça arrive tous les jours) sortent de la gare bouche bée : sous leurs yeux, le grand Canal déroule ses promesses.
Mais ça n’est pas le sujet du jour. Moi aussi, pendant longtemps, je n’ai même pas pensé à visiter Padoue. Venise accaparait toute mon attention. Puis, en ce mois de juillet 2019, une personne spéciale pour moi y a déménagé… alors j’ai pris le train dans l’autre sens, direction Padova, avec l’intention de m’y arrêter.
Petit guide pour visiter Padoue
C’est devenu une routine. Plusieurs fois par mois, je passe quelques jours à Padova. Je la découvre. Je m’y habitue. J’en fais un peu ma maison. Comme une extension « normale » à la cité « hors normes » où j’ai choisi d’habiter. Avec des voitures, mais pas trop, des vélos, des gens, un marché pas touristique, des musées pas trop chers, des restaus où on peut se pointer sans réserver. Moins exceptionnelle que Venise peut être, mais tout à fait séduisante.
Padoue me fait de l’œil, et j’ai choisi de la laisser faire. Je vous la fait découvrir.
Places pleines de vie
Les Padovans disent par commodité le piazze. Ces places qui sont le coeur de la vie du centre de la ville, où l’on se retrouve, se rencontre, se repose ou s’assoit pour contempler le théâtre de la vie. Chacune d’entre elles a son ambiance et ses rythmes.
Sur le marché de Padoue
C’est en quelque sorte le plus vieux supermarché du monde. Entre deux places, la Piazza delle Erbe et la Piazza della Frutta, se dresse l’imposant Palazzo della Ragione. C’est un peu le symbole de Padoue : sa construction commence en 1218 et même s’il a subi quelques incendies, sa structure est restée globalement la même. Si on l’observe bien, il ressemble à une sorte de navire échoué à l’envers : c’est normal ! Il porte la signature des constructeurs vénitiens, qui s’inspiraient des coques des bateaux pour réaliser d’immenses salles sans avoir besoin de colonnes portantes. C’est le cas au Palais Ducal, dans la Salle du Maggior Consiglio, mais aussi ici, à Padoue.
Ce mastodonte est percé de couloirs voûtés, qui rendent le rez-de-chaussée accessible à tous. Tout naturellement, s’y sont installés les commerçants, comme dans les rayons des supermarchés d’aujourd’hui. Un couloir concentre les bouchers, plus loin, l’odeur d’iode convoque la poissonnerie, puis se suivent ribambelles de fromagers, marchands de vin, boulangers.
Sans oublier quelques bars ici et là : nous sommes en Vénétie, région sur le podium de la consommation annuelle de vin et de spritz en Italie. Pas question d’aller faire les courses sans s’octroyer une pause au bar, avec une petit blanc della casa.
- L’adresse : bar dei Osei, piazza dei Frutti 1. Reprenez-y des forces avec un petit sandwich à la porchetta ou un tramezzino, ils sont délicieux.
Pour ceux qui comprennent l’italien, je conseille d’écouterl’épisode sur Padoue du podcast Le Meraviglie. Produite par Rai 3, cette émission de radio est très agréable à écouter : elle propose de découvrir un lieu en compagnie d’un auteur ou d’une autrice qui le raconte à travers un regard personnel et historique.
Des places aux prés : Prato della Valle
A ces places de l’hyper centre padovan, s’ajoute Prato della Valle, littéralement « le pré de la vallée ». A l’approche de la place, on comprend pourquoi. Une vaste étendue d’herbe de forme elliptique, ceinte d’un canal gardé par d’innombrables statues. Tout autour, belles façades, terrasses d’où pointent de petites jungles urbaines, et la majestueuse Santa Giustina, au loin.
Au centre de la place, au delà du canal, on entre dans l’île, comme on l’appelle ici. 20.000 m² de tranquillité avec pour fond sonore la rumeur de la fontaine.
Visiter Padoue l’universitaire
On dit parfois que Padoue a été créée à partir « d’une côte de Bologne ». Même si la ville existe depuis l’antiquité (sa première fondation est étrusque), en 1222, la création de son université est comme une deuxième naissance. Arrivés de Bologne où leur liberté universitaire et leurs privilèges étaient menacés, un groupe de professeurs et leurs étudiants fondent la neuvième université au monde.
C’est un succès et l’université rayonne dans toute l’Europe. Parmi les étudiants célèbres, elle compte Copernic mais aussi la première femme diplômée au monde, la vénitienne Elena Lucrezia Piscopia, doctoresse en philosophie, en 1678. La classe.
A ses débuts, la fac de Padoue enseigne le droit et la théologie, puis s’ajoutent la médecine et l’astrologie. Deux disciplines qui continuent à marquer le paysage urbain.
L’orto Botanico
Pour les besoins de la fac de médecine, les étudiants plantent en 1545 un jardin fabuleux semé d’essences parfumées. Pour étudier au mieux les plantes, une bibliothèque et un laboratoire sont créés, les espèces scrutées, cataloguées.
Aujourd’hui, les allées de ce jardin merveilleux sont encore un lieu d’étude et de préservation des espèces rares. On le parcourt en se laissant porter d’une allée à l’autre, jusqu’à la modernissima serre tropicale. Dans tout le jardin, entre les arbres, pointent les dômes des églises voisines, tandis que les moustiques s’attaquent avec goût à vos tendres chevilles.
- Visiter l’Orto Botanico, infos pratiques : ouvert du mardi au dimanche de 9h à 19h, coût du billet 10€
La Specola
On aperçoit de loin cette étrange tour au sommet de laquelle un cube et une tourelle semblent empilés comme de tardifs ajouts posés en équilibre. L’observatoire de Padoue commence sa carrière au IXe siècle comme tour de défense. Sous le règne d’Ezzelino III dit Le Terrible, au XIIIe siècle, elle sert de prison et de salle de torture. Avec la construction des murailles, au XVe siècle, elle perd ses fonctions défensives et sera transformée au XVIIIe en observatoire astronomique universitaire.
Sa position, au croisement de deux canal, la rend exceptionnellement belle : c’est l’un de mes coins préférée de Padoue. Quand on y passe en vélo, arrêt obligatoire sur le petit pont pour contempler son image reflétée sur le canal.
Oui, parce qu’il n’y a pas qu’à Venise qu’il y a des canaux. #scoop
Visiter Padoue la religieuse
Pour beaucoup, visiter Padoue c’est surtout y venir en pèlerinage. D’ailleurs, vous connaissez probablement la ville grâce à son Saint patron : Saint Antoine de Padoue. Le lisboète est enterré dans la Basilica di Sant’Antonio et des milliers de personnes viennent lui rendre visite chaque année.
Ne vous étonnez donc pas de la profusion d’églises et du nombre de religieuses en robe blanche ou noire dans les rues. Comme à Rome, où les soeurs viennent en voyage organisé voir le Pape au Vatican, à Padoue, on vient voir le Saint. Ajoutez à ça la Cappella degli Scrovegni, peinte par Giotto, et une cinquantaine d’églises dans le centre historique, et vous avez de quoi faire.
Attention, pour visiter la Cappella degli Scrovegni il est impératif de réserver car seul un petit nombre de visiteurs est accepté à chaque fois et les places partent vite. Rendez-vous sur le site officiel pour prendre vos billets (ce message n’est pas sponsorisé).
http://www.cappelladegliscrovegni.it/index.php/en/
Parmi toutes les églises, j’ai visité et apprécié Santa Giustina, Santa Maria del Carmine, San Francesco, Santa Sofia, le Duomo, San Nicolo.
Bonnes adresses à Padoue
Est-ce qu’on mange bien à Padoue ? Oui ! La cuisine locale rappelle celle de Venise, avec une place moindre accordée au poisson, bien sûr. On y retrouve les Bigoli, gros spaghettis souvent servis au ragù d’anatra, sauce tomate au canard. La plupart des plats sont accompagnés de chaude et réconfortante polenta. Les vins régionaux sont bons : goûtez aux crus des Colli Euganei, anciens monts volcaniques de la région.
Manger
- Trattoria l’Anfora : dans l’ancien ghetto, une adresse très comme à la maison où l’on se régale de plats traditionnels. C’est très fréquenté mais on vous trouvera toujours un bout de comptoir où dresser votre table avant de vous distribuer la photocopie du menu du jour écrit à la main. Très sympa, grosses portions, cuisine qui rend heureux.
- Trattoria l’Isoletta : Je ne sais pas pourquoi cette trattoria un peu moche avec sa peinture a paillettes m’a inspiré tout de suite confiance. A l’extérieur, un panneau indique les prix des menus : 7,5€ la formule primo / boisson / café, faut-il se méfier ? On a testé le soir : excellente surprise. Les plats sont délicieux et la cuisine légèrement inventive, juste ce qu’il faut pour séduire.
- Trattoria Da Nane alla Giulia : un seul coup d’oeil à l’intérieur m’avait déjà convaincue, mais une fois assise devant une assiette d’oie à la polenta garnie de champignons à la truffe, j’ai carrément succombé. Une des adresses que je préfère avec ses airs de taverne, sa lumière tamisée, et son incroyable cuisine.
- Gelateria Gnamgnam : sous les arches de la Piazza dei Signori, un glacier qui propose des goûts bio, vegan ou non, à tomber par terre. Tous les parfums à base de noix, pistaches, amandes ou noisettes ont ma préférence.
Boire un verre ou un café
- La Yarda : le bar populaire du centre de Padoue, où se retrouvent tous les étudiants ou jeunes de la ville.
- Le café Pedrocchi est le café chic et historique de Padoue.
- Pasticceria Wiennese : ambiance élégante d’un salon de thé feutré où grignoter une pâtisserie avec son café, viennois ou pas.
Vous trouverez toutes les adresses citées dans l’article sur la carte ci-dessous (et facilement sur Google) :
Bonus : la carte comprend quelques points qui ne sont pas forcément cités dans l’article mais qui sont agréables pour une balade (comme le quartier du Portello ou le jardin de la Rotonda). Je les garde pour un prochain article, quand on entrera un peu plus dans l’intimité de cette ville avec laquelle j’ai bien l’intention de faire connaissance.
Alors, Padoue, vous vous arrêtez ou pas ?
Magnifique !
Merci du partage 🙂
Prego ! 🙂
Lisant ton article sous la grisaille parisienne, la réponse est : oh oui tu nous donnes envie de s’y arrêter ! Hâte d’en découvrir plus dans ton prochain article… Merci Lucie.
Merci Orianne, ça me motive à l’écrire 🙂
Très bel article, ça donne envie de s’arrêter à Padova 🙂 Tu as raison, bien souvent en train ou en voiture, on passe pas loin et pourtant on ne s’y arrête pas… La prochaine fois que l’on passe dans le coin, pour sûr on essaiera de faire une petite halte !
Faites-moi signe je vous emmène boire un bon vin 😉
Tres bel article. Sinon le coup de la vie en générale? Le climat et les gens en général
Oh là là, qu’est-ce que cela donne envie! 😀
Je te souhaite d’y faire un tour alors Anne-Claire 🙂
Est-ce qu’à Padoue on prie Saint Antoine de Padoue pour retrouver les objets perdus ? J’ai toujours entendu ma marraine (d’origine italienne) le prier pour retrouver ce qu’elle égarait.
Sinon, tes photos sont superbes et j’aurais bien envie d’aller visiter Padoue.
Oui ! Saint Antoine de Padoue, toi qui retrouve tout, dis-moi, où est… (je la connais en français uniquement mais Sant’Antonio a aussi ce rôle là en Italie)
Tu me fais redécouvrir Padoue que je n’avais pas suffisamment pris le temps de visiter la première fois. Merci pour le partage ! 🙂
Merci pour cet excellent article sur Padoue. Tu donnes très envie !
Ciao Lucie,
Padoue, juste en coup de vent, pour le marché couvert où je vais chercher du parmiggiano de 60 mois d’âge, du peur bonheur 😉
Quelle ville magnifique, c’est décider mes prochaines vacances je les passerais là bas.
Wow! C’est une super ville.
Votre blog est magnifique, amoureux de Venise où j’ai habité 7 ans, mais aussi de Padoue et son marché tous les samedi, actuellement à Nice, je serai à Venise et Padoue en septembre, trouver un studio ou petit appartement à Padoue est-ce possible ?
Bien à vous, Marc
Merci beaucoup pour cet article très complet ! On avait décidé de s’arrêter quelques jours là bas cet, été, je prends toutes les bonnes adresses (en espérant qu’elles aient survécu à la pandémie).
Merci merci !