Aurore, du blog On my tree, nous invite ce mois-ci à parler de la nature dans le pays où nous vivons, pour le RDV #HistoiresExpatriées dont elle est la marraine. J’en profite pour vous raconter un récent voyage que j’ai fait, sur le chemin de Dante, à pied sur l’Apennin Tosco-Romagnolo.
La nature en Italie
Le paysage et la nature, en Italie, me transmettent plus qu’une émotion esthétique. Nature et culture s’entrelacent et chaque paysage me raconte quelque chose de l’Italie. Une colline plantée d’oliviers aux feuilles argentées renvoie à l’huile d’olive. Un sentier de montagne rythmée de stations et c’est le chemin de croix, débouchant sur une chapelle. Le long d’une côte, les sculptures de Marie surgissent des eaux pour protéger les pêcheurs. Les terrasses des côtes ligures sont façonnées par la vigne. Sur les plages sauvages et désertes de la Calabre, on s’imagine les colons grecs, à l’image des bronzes de Riace. Les paysages italiens ont une éloquence qui me fascine. J’aime les écouter, ils ont toujours une histoire.
La diversité de la nature est extraordinaire. Il suffit de penser qu’en Sicile, cohabitent un volcan, des sommets enneigés, des criques sauvages, des collines cultivées, des gorges froides, des grottes, des vallées et mille recoins de nature. Et c’est comme ça pour tout le pays, des cimes des Dolomites aux côtes du Salento.
Mais revenons à nos moutons. Pour vous parler nature, culture et patrimoine, je vais vous raconter un récent voyage. Avec quelques amis, je suis partie fin avril sur le sentier de Dante.
Dante, écrivant sur les chemins
Je ne suis pas une grande spécialiste de Dante et de sa vie, donc je vais éviter de m’étendre sur les raisons qui poussent Il Somme Poeta (le Grand Poète) sur les routes de l’Italie et de l’Europe. Mais le voilà banni. Florence le condamne à l’exil. Au fil de ses errances, il gagnera la ville de Ravenne, sur l’autre versant de l’Apennin. Il trouvera dans les paysages qu’il traverse l’inspiration pour certains passages de la Divine Comédie, son œuvre majeure, qu’il écrit durant son errance.
Notre parcours sur les traces de Dante
Le chemin de Dante est bien connu en Italie. Balisé, il permet de rallier à pied Ravenne depuis Florence. Il existe même un site officiel pour organiser son voyage, sur lequel consulter la carte complète, les étapes et les villes traversées. Nous avions trois jours devant nous, nous avons donc sélectionné une petite portion du trajet : 60 km seulement sur les 395 au total !
Récit d’un voyage au lent cours.
Jour 1 – de Dicomano a San Godenzo
Partis de l’Émilie-Romagne, nous prenons un train jusqu’au village de Dicomano, en Toscane. Du village, nous ne verrons que le bar où nous avalons un dernier café avant de prendre le bois. Le sentier quitte rapidement cette Toscane enchantée avec ses vignes et ses oliviers.
Le souffle un peu court (ça monte), nous entrons dans le bois touffu où s’alternent hêtres et châtaigniers. Le temps est sombre, la pluie menace, mais ici et là percent les fleurs blanches des cerisiers ou des poiriers.
Le soir, vers 18h, nous entrons dans San Godenzo, les mollets vibrants. Un lit, une douche, un repas. C’est ce que mon corps réclame. Nous avons réservé dans l’unique hôtel du village, qui semble tout droit sorti des années 70. Charme vintage ? La magie est rompue lorsqu’en ouvrant la porte, nous tombons nez à nez avec une femme essuyant du pipi de chien dans le hall d’entrée. A ses pieds, la bête glapissante renverse un pot de fleur et épand la terre. Tout à l’air sale, la table du déjeuner est encore en désordre, le sol est gras, au mur, un certificat d’excellence Trip Advisor dont la 5e étoile a été dessinée à la main. Horreur. Un enfant nous conduit à notre chambre et la découverte des toilettes achève de nous désespérer. Les draps, eux, sont propres, heureusement. Sans alternative (il n’y a qu’un seul hôtel au village), nous demandons à la signora de repasser un petit coup dans la salle de bain (qui n’a visiblement pas vu une éponge depuis longtemps). Nous sortons dîner alors qu’elle monte, pestant, une bouteille d’alcool à 90° à la main. Effroi.
L’hôtel est aussi le seul restaurant du village, mais pas question d’y manger. Nous voilà bons pour un repas à la superette. Heureusement, nous sommes en Italie. Son comptoir déborde de jambons et de fromages à la coupe, de foccacia à l’huile, de tomates et d’olives. Devant le magasin, il y a même quelques tables en plastique pour les marcheurs comme nous. Nous sommes sauvés.
Jour 2 – De San Godenzo à Arquachetta San Benedetto
Ne partons pas sans un bon petit déjeuner dans notre auberge ! On pourrait croire à un gag, mais c’est une histoire vraie : les croissants sont périmés, et c’est tout ce que propose la maison. Courageux mais pas téméraires, nous fuyons au bar du village nous empiffrer avant l’étape du jour. Une petite visite à l’église (jolie) et nous sommes en route. San Godenzo laisse dans nos cœurs le souvenir d’une bonne rigolade, une nette odeur de rance et le goût plâtreux d’un croissant industriel périmé.
L’étape du jour prévoit l’arrivée aux Cascate di Dante, décrites par l’auteur dans la Divine Comédie. Mais au détour d’un virage, nous perdons la trace du sentier. Nicola, qui a organisé le trajet, sort la carte. Il faut tailler l’azimut. Le quoi ? Dans le jargon, tailler l’azimut, c’est filer droit dans la direction cardinale nécessaire pour retrouver un autre point. Peu importe les obstacles. En l’occurrence, une crête hérissée de ronces. Nous marchons droit devant nous, esquivant les épines.
Alors que le désespoir s’empare de nous, comme par magie, une tablette de chocolat aux noisettes surgit d’un sac. Efficace et implacable. Le courage revient. Après un passage sur des hautes prairies venteuses semées de crottes de loup, nous retrouvons notre chemin. Celui du poète.
Le répit est court : une pluie diluvienne vient laver tout notre courage. Emballés dans nos k-way, nous trouvons refuge dans une cabane d’observation des oiseaux, où notre petit groupe de six vient se tasser le temps de pique niquer.
Enfin, la journée se conclut majestueusement par :
- L’arrivée aux cascades de Dantes (ooooh)
- L’arrivée de la grêle (aiiiiiiie)
Mais le bois humide grouille de salamandres, et quand la lumière revient, je me sens pleinement heureuse. Bonheur d’avoir marché, respiré, grimpé, couru, mangé… Toute une journée sur le sentier. Bonheur de savoir que demain, on recommence. Bonheur encore plus grand d’arriver dans notre auberge au dortoir douillet. Nous sommes à San Benedetto in Alpe, à 500 mètres d’altitude, en Emilie-Romagne.
On fête l’arrivée dans la région par un repas local, pris dans la salle commune de notre auberge : pasta al ragù, fromages, vin rouge, nous sommes affamés !
Jour 3 – en route pour le paradis, Piandistantino
Le soleil brille, la vue est dégagée. Les alentours du village brillent encore d’humidité. Dans les champs, on devine des vaches, paisibles. Une côte raide. Quelques bobos dans le groupe, rien de grave, nos corps commencent à fatiguer. Une montée raide, puis le chemin des crêtes. Nous quittons le chemin de Dante pour emprunter le sentier 00, celui qui traverse toute l’Italie du Nord au Sud, sur l’épine dorsale de l’Apennin. Car nous n’irons pas jusqu’à Ravenne, mais à Piandistantino, un petit coin de paradis – sans même passer par le purgatoire.
Vers midi, nous arrivons dans un bois d’arbres géants. Un peu de vent. Moment de calme précieux, les muscles au repos fondent de plaisir.
J’ai l’impression que je pourrais continuer ainsi encore des jours. Marcher, contempler le paysage et laisser mes pensées, libres, s’échapper à l’infini. Au sommet, la sieste dans l’herbe. A l’arrivée, au fond de la châtaigneraie, Piandistantino. Un agriturismo géré par les amis de mes amis. Animaux et enfants vadrouillent autour de la maison. Coqs, chatons, âne, cheval, et le parfum des glycines.
Pour moi, le voyage s’arrête ici, je dois rentrer à Venise le lendemain. Les autres continueront à pied jusqu’à chez eux, jusqu’à pousser la porte de leur maison à Modigliana, après un quatrième jour de marche.
Infos pratiques pour randonner sur le Chemin de Dante
Si l’aventure vous tente, ce voyage est vraiment facile à organiser et à reproduire en autonomie. Vous trouverez une foule d’informations sur le site de l’association qui a créé et balisé le parcours. Si vous le souhaitez, vous pouvez adhérer pour soutenir l’association et recevoir les documents (cartes, parcours détaillé, liste des hébergements) qui faciliteront votre voyage.
Accès et tracé du voyage
J’adore la nature et je déteste conduire : en Italie, beaucoup de lieux sont accessibles en transports en commun. Même les petits villages sont desservis par les trains régionaux, donc pas besoin d’avoir une voiture. Nous sommes partis de Dicomano où l’on peut arriver en train depuis l’Emilie Romagne ou depuis Florence. Gros avantage, le train n’est pas cher du tout en Italie.
Vous aurez besoin d’une carte récente afin de bien déterminer vos étapes. Le chemin de Dante est clairement fléché, de même que le sentier 00. Le chemin jusqu’à Piandistantino est secondaire, malheureusement je ne saurai pas l’indiquer car ce n’est pas moi qui ai tracé notre itinéraire mais mes amis qui sont originaires de la région.
Budget pour trois jours sur le chemin de Dante
Pour ce voyage, nous avons dépensé à peine plus de 100 € pour 3 jours tout compris (hébergement, voyage a/r depuis Venise pour moi, repas qui font plaisir).
Équipement et difficulté
Niveau équipement, bonnes chaussures de rando couvrant les chevilles, vêtements de pluie, gourde, crème solaire, chapeau, trousse de secours, bref, rien de bien original ! Prévoyez au moins 1,5l d’eau par personne et par jour, plutôt 2l en été. Vous trouverez quelques points où remplir vos gourdes, mais mieux vaut ne pas en dépendre car ces montagnes sont très peu habitées.
Concernant la difficulté : je ne suis pas sportive mais je suis une grande marcheuse (à plat). J’ai trouvé les étapes relativement difficiles, car il y a beaucoup de dénivelé, et ce, tous les jours. Je ne le ferai pas avec des enfants petits. Chaque étape de notre itinéraire compte entre 17 et 19 km.
Bien sûr, la difficulté est variable selon la portion du chemin que vous choisissez. Nous avons marché dans les Apennins, chaîne montagneuse, donc forcément plus difficile qu’aux alentours de Ravenne, située dans une plaine anciennement marécageuse.
Pour les hébergements, je vous conseille l’auberge Il Vignale à San Benedetto in Alpe et l’agriturismo Piandistantino (et leur fabuleux restaurant). Vous l’aurez compris, je ne conseille pas l’hôtel de San Godenzo.
En conclusion : ce voyage à pied m’a donné envie de découvrir encore plus la nature en Italie et de le faire de façon lente. Il y a plein d’itinéraires qui me tentent et qui sont accessibles en train, j’espère en écrire d’autres sur le blog !
bravo pour cette rando (pas à plat) et pour le récit que tu nous en offres.
Un grand 《OUI !!!》 pour ton idée de nouvelle rubrique dédiée à tes rando, du moment que tu nous racontes ça avec ta plume qui me ravit.
Merciiii Angélique 😀
ça m’a vraiment donné envie, je n’ai jamais fait encore ce genre de périple alors que pourtant j’adore marcher ! Et je dis aussi oui, pour la nouvelle catégorie surtout si en plus tu fais beaucoup d’itinéraires sans voiture ! (je suis pas une grande fan non plus)
Merci Aurore, c’est super motivant !
60 km, ca fait deja une bonne petite randonnée mine de rien! J’adore marcher, c’est un super moyen de découvrir tranquillement un pays et sa nature ! Et pour la rubrique rando: carrément ! 🙂
Merci Lucie ! Oui 20 km par jour c’est un rythme assez « intense » quand même !
Merci pour cet article! Un grand SI pour d’autres articles du même genre! 😀
Merci beaucoup c’est encourageant !
Tes belles photos m’ont bien donné envie de suivre cet itinéraire… Je le rajoute dans la liste des voyages à faire quand les enfants seront plus grands (il y a aussi les chemins de Saint-Jacques de Compostelle, peut-être en âne)…
Sympa aussi Saint Jacques de Compostelle ! J’ai lu de beaux récits de voyage sur le sujet, sur un blog italien, ça donnait envie !
Une randonnée qui me plairait bien. J’adore la photo avec la carte postale, c’est super sympa. xx
Quel article passionnant! C’est génial ce genre de rando thématiques. Et ça donne tellement envie de retourner en Italie!
ça m’a l’air fort sympathique comme itinéraire ! Marcher la journée, et profiter de la gastronomie italienne le soir ! Bon plan !