Ces derniers mois, ma créativité a été mise à rude épreuve. Comment parvenir à écrire, quand on est enfermé entre quatre murs ? Surtout quand le cœur de l’écriture, c’est le voyage ?
En Italie, en plein du confinement, nous n’avions pas le droit de sortir d’un périmètre de 200 mètres autour de notre habitation. Je me suis sentie enfermée dans ma tête. Même si j’avais bien conscience du confort de cette position, comparée à celle des travailleurs et des travailleuses qui ne se sont jamais arrêté.es.
Mais avec la virtualisation de tous nos échanges, j’ai enfin eu la possibilité de participer aux ateliers d’écriture d’Amélie Charcosset. Je la suis depuis des lustres sur les réseaux sociaux et via sa newsletter. Virtuellement, sur Zoom, j’ai rejoins deux de ses ateliers. Trois heures d’écriture avec des inconnu.es.
J’y ai retrouvé ce plaisir vivifiant des ateliers d’écriture : rire, émotion, surprise, douceur, bienveillance…
Les étincelles d’Amélie
Alors quand Amélie a lancé un programme d’écriture intitulé Étincelles, 21 jours d’écriture, je n’ai pas hésité à m’inscrire. Pendant 21 jours, on reçoit un mail avec une proposition d’écriture en vidéo. D’abord un petit échauffement, puis un extrait d’une œuvre, et la proposition arrive. Dix minutes, quinze minutes d’écriture. Pas plus. J’en ai fait mes pauses déjeuner, avant de me remettre à écrire des trucs de boulot. C’est comme plonger la tête dans l’eau froide au réveil, j’adore ça.
Parfois, les propositions d’Amélie me font écrire sur des villes dont je parle sur ce blog. Alors j’ai eu envie de partager certains de mes textes avec vous. Je n’ai pas encore terminé le programme (on peut écrire à son rythme, pas forcément chaque jour), mais voici mes deux premiers partages.
[les petits montages kitshs, c’est en bonus]
Rome, tutoiement
[proposition jour 5]
Tu es la ville éternelle et tu n’en finis plus
De déployer baroque tes balcons, tes églises tes triomphes
Tu es la ville monstre, qui mange, j’y suis fourmi
Battue de tes pluies d’automnes dont les caniveaux débordent
Bousculée du soleil qui frappe la pierre d’Istrie, rebondit, resplendit
Tu as inventé les routes elles t’ont dévorée
Voies romaines qui hurlent l’écho des bus sur les pavés
Chaque aube te blanchit, te lave te pardonne
Dans les matins d’été le Tibre retient son souffle
Un instant le silence coule dans tes larges artères
Quand le fracas revient il se cache sur tes places
Tes plus petits secrets fourrés aux les interstices
C’est là que j’ai mon banc ma fontaine et mes chats
Qui appartiennent à toustes autant qu’à moi
Naples, pulsations
[proposition jour 8]
C’est un rituel si simple qu’il en est évident. La semaine passe au travail, une ou deux, pas plus, et il revient, il s’impose. Naples. Le petit train branlant qui court sur les côtes. La dernière course du vendredi soir, bondée, quatre heures de périple serrées contre les individus les plus variés. On parle avec les mains, on fait tourner des petits pains moelleux, il y a des rosaires qui glissent lentement entre les doigts. C’est si cliché, ça donne des frissons. La semaine, dans le bus qui vibre à fond la caisse sur les pavés de Rome, par la fenêtre et je vois le Vésuve surgir derrière le Colisée. Le Tibre et les Monts Sabins se superposent, des nuages de brume et des embruns salés battent contre le carreau. C’est pour ce weekend, ou pour le suivant. Pas la peine de réserver, les places ne sont pas comptées. Même pas besoin d’être riche pour s’offrir Naples vibrante fumante hurlante au bout de la ligne. Juste dix euros à l’aller, la même chose au retour. Au milieu, deux jours qui se vivent comme un courant d’air t’emporte, un programme, laisse tomber, juste le pavé noir-volcan à arpenter, des places noires de monde et de nuit, où se frayer en riant dans la musique, les rencontres, la vie. Naples, encore, Naples de nuit, Naples sale au matin, Naples qui crie au balcon, Naples feu d’artifice, comme ça, parce qu’on a gagné au foot ou parce qu’il y en a un qui est sorti de prison (c’est ce qu’on dit), Naples me pulse sous la peau, infuse mes nuits romaines chaque jour un peu plus avant les retrouvailles, encore, encore, encore.
Si vous exprimez votre créativité à travers l’écriture, je serais curieuse de savoir comment vous avez vécu le confinement. Et même, d’une façon générale, comment vous vivez cette créativité ? Quelle place vous lui donnez dans votre vie ? Qu’est-ce qui la (dé)bloque ?
Ils sont magnifiques tes textes. Le confinement m’a également poussée à écrire. Le regard d’abord s’est affûté puis l’envie de traduire les émotions avec la plume. C’est ainsi que j’ai rédigé ce texte sur mes déambulations quotidiennes et ça procure un réel plaisir
http://www.cahiernomade.com/2020/06/05/au-bout-du-chemin-laventure/
Mais j’ai mis plus que 15 minutes .
Merci Renée pour ce partage ! Un très beau texte
Bonsoir.
Merci d’avoir partagé ces textes. J’ai un peu expérimenté les ateliers d’écriture à titre « professionnel » (je suis orthophoniste et pour aider des jeunes à se lancer dans l’écrit les ateliers d’écriture sont un chouette moyen). Mais bizarrement, à titre personnel, j’ai toujours trouvé que ce qui était écrit en atelier d’écriture était hyper intime. Comme si ce que l’on s’autorise à écrire ne devait regarder que nous. Je ne sais pas pourquoi j’ai ce sentiment (peut-être parce que j’associe justement l’atelier d’écriture à un choix personnel et à une totale liberté dans les mots, les phrases, la syntaxe etc, etc…que l’on y emploie). Le plus important pour moi dans tout ça, c’est vraiment de ressentir le plaisir d’écrire sans contraintes autre que celles de l’atelier.
Bref, merci pour cet article et cette réflexion ouverte 😀
Oui c’est vrai qu’il y a quelque chose de très intime dans le fait de livrer ses écrits à des inconn.eus en atelier ! J’adore ça 🙂
Je suis touchée, Lucie, de (re)lire tes textes ici 🙂 Merci pour le partage !
De la poésie en texte et en photos, merci pour ce voyage