En septembre, on change de disque, fini l’été, place à un nouveau rythme… Tiens, c’est justement le sujet proposé par Pauline du blog Étoile Verte pour les #HistoiresExpatriées de ce mois-ci.
Cette semaine, j’étais en voyage de presse dans les Dolomites, invitée par la région Sud Tyrol. J’ai beaucoup mangé au restaurant, dans des adresses gastro, traditionnelles ou plus standard. Il y a un truc que je remarque depuis un moment, et qui m’a encore plus sauté aux oreilles cette semaine : le jazz dans les restaurants. Mais pas n’importe lesquels.
Jazz gastronomique
Que ce soit dans le Sud Tyrol ou ailleurs, dans les restaurants gastronomiques, l’ambiance est volontiers tamisée, soulignée par une musique au rythme langoureux… Comme une invitation à caresser doucement le manche de son verre à pied en susurrant quelque chose comme « divine, cette émulsion d’écrevisses aux noisettes sauvages ».
Cette réflexion faite, je me suis rendue compte que ce n’était pas la première fois, dans un restaurant, que le fond sonore se manifestait à moi, de façon plus ou moins (dés)agréable. Le site Slate rapportait même que le volume sonore influencerait nos choix. La musique forte nous pousserait ainsi à nous jeter sur les burgers double fromage, tandis qu’un fond sonore plus doux nous inciterait à choisir la salade ou l’assiette de légumes.
Si le jazz mou accompagne volontiers les « tiramisu déstructurés » ou les « purées d’herbes sauvages au vin rouge moléculaire », sur quel rythme mange-t-on, ailleurs en Italie ? Voilà la question, fondamentale, à laquelle je me propose de réfléchir pour vous. Une réflexion en musique, bien sûr.
Chioschetto al mare
En bord de mer, en Calabre ou en Ligurie, ils ne sauraient manquer dans le paysage italien… Les kiosques, en V.O. chioschetti, où commander une salade de poulpe, un panino à l’espadon, une freselle aux tomates… On y mange parfois très mal, parfois très bien. Les tables sont en plastique, les tongs claquent et les raybans brillent. Le sable colle au maillot ou à la raie des fesses, les serviettes sont en papier plastifié bizarre, la serveuse, masque sur le menton, dépèce une pastèque.
Dans les hauts parleurs ? Le tormentone dell’estate, cette chanson de l’enfer née pour nous tourmenter de juin à septembre.
Il bacaro veneziano
C’est un peu l’idée que je me fais d’une taverne : sombre, chaotique, on y mange, on y boit, c’est petit, ça renverse, la plupart des client•es sont debout… À Venise, on appelle ça un bacaro. Il y en a en réalité pour tous les goûts et dans tous les styles, du plus chic au plus traditionnel. Mais j’ai un faible pour ceux où on rigole fort, où le patron picole plus que ses client • es et où de temps en temps quelqu’un tombe* au canal. La bande son, dans ce cas ? Tôt ou tard, c’est forcément le groupe vénitien I rimorchiatori qui passera en concert, lors de sa perpétuelle tournée dans les bars de la ville…
*ou se jette, ça dépend
Ce type d’ambiance vous attire, alors je vous conseille de tester le Paradiso Perduto un lundi soir lors des concerts… Quand la pandémie sera terminée.
D’autres adresses pour sortir à Venise ? Venez par ici.
La pizzeria napoletana
Quand tu arrives aux alentours de chez Starita, ma pizzeria préférée à Naples, le quartier est déjà blindée. Tu donnes ton nom à la dame de l’accueil qui te répond en napolitain que Tournebize, c’est beaucoup trop compliqué pour être honnête et que ce sera Lucia, vu ? D’ailleurs en Italie quand on te demande ton nom pour une réservation, généralement le prénom suffit. Tu te retrouves sur le trottoir tandis que les enceintes égrainent le nom, le nombre de convives et le numéro de table des heureux appelés. « Giovanni, 3, 15! » « Ciro, 8, 36! » « Anna Maria, 2, 23! »
Mon tour arrive enfin, je m’installe à une petite table dans l’une des nombreuses salles voûtées décorées d’affiches de films avec Sofia Loren, abasourdie par le bazar auditif qui m’assaille. Pas de musique mais un enchevêtrement de voix en napolitain se chargent de composer une atmosphère sonore inimitable. Si d’aventure il devait y avoir de la musique, ça serait probablement la star de la chanson napolitaine, j’ai nommé Pino Daniele.
PS : il y aurait aussi cette chanson sur la pizza, mais c’était un peu trop cliché.
L’osteria populaire
Les nappes sont à carreaux ou en papier, les chaises en bois, le vin en carafe. Les murs sont tapissés au choix, de photos d’époque ou de mots des clients. Au bar, les étagères sont encombrées de bouteilles de grappa et d’amaro de toutes sortes. La machine à café est en surchauffe, la moustache du serveur aussi. Les portes à doubles battants de la cuisine brassent l’air en continu, laissant les bruits de casseroles et les odeurs de cuisine s’échapper dans la salle. On mange d’énormes portions de pâte les coudes sur la table, on tâche la nappe de rouge en remplissant les verres de cantine.
D’où vient la musique ? C’est la radio qui diffuse des classiques italiens à côté de la caisse où la nonna* encaisse les clients.
*la grand-mère (je remarque que ça n’est rarement le grand-père)
Accords mets-musique
C’est clair, on ne mange pas la même chose sur toutes les musiques. Au restaurant, la bande son sert surtout à souligner les caractéristiques des mets dans l’assiette. Sophistiqué, ce sera le jazz. Traditionnel et fait maison, de la chanson italienne nostalgique. Rapide et pas cher, les tubes de l’été. On pourrait encore entrer dans le détail, avec le bar cheap et ses sandwichs gras qui passe de la trap, la cave à manger et ses vins nature qui coulent sur de la musique indie, etc, etc. Enfin, ces lieux toujours plus rares où le silence est encore ce qu’on savoure le mieux.
Et vous, sur quel rythme mangez-vous ? Lâchez vos coms 😉
Merci à Pauline pour cette proposition de thème qui m’a bien inspiré 🙂
Voici les articles des autres participant • es :
Super intéressant ce point de vue ! 🙂 J’avoue que je prête rarement attention au style de musique lorsque je vais dans un bar ou un restaurant, sauf si celui-ci est prédominant ! Par exemple, à côté de chez moi, il y a un petit bar qui sert des tapas, à l’ambiance tamisée et typique. On passe le plus souvent du flamenco ou des sons gitans et c’est une ambiance que j’adore 🙂
Chouette, musique traditionnelle et tapas <3
J’ai le souvenir d’un vibrant « Vorrei che fosse amore » susurré à la fin d’un dîner hivernal aux Antiche Carampane il y a deux ou trois ans (formidable antispasto misto di pesce). Ma préférence va d’ordinaire au fond sonore du crû plutôt qu’à l’accompagnement musical.
Uuuuuh ! C’est Mina qui sussure ou ça vient de l’autre côté de la table ? En tout cas, une jolie fin de repas 🙂
La divine Mina !
Mais c’est tout à fait ça !!! Étudiante, j’ai bossé dans une pizzeria à Rome. Ça criait de partout sauf à l’accueil où la musique d’ambiance était Venditti !!!
Et le passage sur le chioschetto, jumeau du chiringuito espagnol, une expérience à vivre, je dis !!! Écouter du Baby K tout en mangeant une rosetta toute dure, ça n’a pas de prix !!!
Merci Lucie pour cet article.
Merci Coralie ! En fait j’aurais pu faire par région : Venditti à Rome, Lucio Dalla à Bologne, Pino Daniele à Naples. Et De André en Ligurie, bien sûr !
J’adore l’approche de ton article ! Je me rends compte qu’en Corée, on mange souvent en silence, ou avec une télé en fond sonore (en général un drama, les infos ou une émission de télé-réalité).
Merci Pauline ! C’est une chose que j’aime bien ici : il y a rarement la télé dans les bars / restaurants, hors bars où on va regarder le foot.
Ah bah voilà je salive déjà et il est 9h30 ! Extra cet article ! Un gros plus pour la taverne où le patron picole plus que le client et où on tombe dans le canal 🙂 ! Je m’y voyais !