Rencontre avec le Christ voilé de la Cappella San Severo
Toute tempête s’arrête. Le monde extérieur cesse d’exister. Il n’y a qu’un grand calme, une lumière douce, et des statues figées dans l’éternité de leurs postures sensuelles, fines, délicates, dans un marbre de soie qui caresse des corps qui pourtant n’existent pas.
Je me trouve à l’intérieur d’une chapelle qui est l’œuvre, le travail, l’accomplissement d’un homme étrange, Raimondo di Sangro. Prince, membre de la franc-maçonnerie, alchimiste, inventeur, écrivain et éditeur, l’homme a tout pour fasciner. Commanditaire de la chapelle, qu’il considère comme une représentation et un accomplissement de sa vie et de sa pensée, l’homme est aujourd’hui enroulé d’un voile de mystères et de légendes.
Au centre de la nef, trône il Capo Lavoro, la star de l’église, celui à qui je viens rendre visite. Il Cristo Velato, qu’on pourrait croire de la main de Michel Ange et qui est l’œuvre d’un artiste relativement inconnu pour le néophyte : Giuseppe San Martino, artiste napolitain.
Le Christ, dont le corps gît, superbe et misérable, recouvert d’un voile d’une incroyable transparence, est représenté sans préciosité et en quasi-rupture avec les canons de beauté.
Le corps du Nazaréen palpite encore, ses blessures semblent sur le point de se baigner de sang.
En 1753, quand l’artiste présente son œuvre au public, une partie de la critique, sceptique, affirme que Raimondo di Sangro a enseigné à l’artiste la formule alchimique pour transformer le tissu en marbre cristallin. Parfois, devant le génie, il faut apprendre à se taire.
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Cristo Velato – Giuseppe San Martino – Photo David Sivyer |
Le corps du Christ est entouré d’étonnantes représentations allégoriques, statues non moins surprenantes et intéressantes. La pudeur, d’Antonio Corradini, dresse ses mamelons sous un voile de marbre qui laisse entrevoir ses plantureux atouts. La désillusion, de Francesco Queirolo, représente l’homme qui se libère du pêché, un symbolique filet de pêche représenté avec une minutie hallucinante.
Et puis la surprise : un petit escalier, qui conduit dans une salle semi-enterrée, et non achevée, les travaux ayant été interrompus à la mort de Raimondo, nous révèle deux corps humains étranges, aux yeux exorbités. Il s’agit de machines anatomiques humaines, réalisées par le Prince lui-même. On peut voir, conservés en quasi-intégralité, le corps d’un homme et d’une femme : squelette, mais aussi appareil digestif, organes, et, avant qu’il ne soit dérobé en 1960, un petit fœtus humain.
Les légendes sur l’origine des cadavres vont bon train : les domestiques du Prince, le Prince lui-même ? On raconte que dans son atelier d’alchimiste, Raimondo avait pour ambition de ramener les êtes à la vie, et qu’il s’exerçait à brûler des crânes d’animaux.
Je ne publie pas d’image ici parce que :
1/ je vous laisse la surprise si vous allez visiter les lieux,
2/ Internet foisonne d’images dégueu, il suffit de cliquer ici : je veux voir !
La visite se termine, je récupère mon sac à dos et mon Kway. A l’extérieur, la pluie s’est arrêtée, la tempête s’est calmée. Moi aussi, je me sens apaisée.
Chapelle Sansevero

Une petite crique sauvage, un village perdu dans les collines, un palais baroque, une assiette de pasta, un verre de vin dans les vignes, l’émotion d’un Caravage croisé dans une église : depuis 2011, je joue à la chasse au trésor en Italie. Sur ce blog, j’ouvre mon coffre et partage mes trouvailles avec vous.
J’ai ressenti deux fois le fameux syndrôme de Stendhal. Une fois à Florence, en découvrant le David de Michelangelo au détour d’un couloir de l’Accademia et une seconde fois devant ce Christ voilé à Naples. Je suis resté bouche bée, sans voix devant une telle oeuvre. Je n’ai toujours pas compris comment San Martino s’y est pris pour réalisé une sculpture pareille.
Naples n’est pas une ville très touristique mais j’ai été surpris d’être quasiment seul dans la chapelle un jour de septembre l’année dernière.
Les machines anatomiques sont également incroyables. Là aussi, on se pose des questions sur la technique utilisée.
C’est tout à fait ça : ce lieu est empreint de mystère, de magie. Et le fait qu’on s’y trouve presque seul en le visitant renforce ce sentiment.
J’y suis allée trois fois et chaque fois je n’ai pu avoir un billet d’entrée
Je suis donc étonnée de lire qu’il n’y avait personne dans La Chapelle