Le pluriel s’imposait. J’ai vu tellement de merveilles à Ravenne. Mes pupilles se sont ouvertes en grand dans l’obscurité des églises. Espérant capter chaque étincelle d’une beauté immense. D’une église à l’autre, un fil d’Ariane déroule le spectre de couleur, du vert au bleu, du rouge aux ors. Les façades de briques, presque austères, cachent jalousement un monde où la splendeur des mosaïques éclipse la beauté du marbre, de la pierre, de l’ivoire. Une symphonie d’éclats, un triomphe coloré.
J’ai volontairement choisi de ne pas mettre trop de photos dans l’article, bien que les lieux visités se prêtent aux crépitement des objectifs. Il faut voir Ravenne en vrai. Ses églises appellent à une contemplation lente. Il faudrait des heures pour parvenir à s’en repaître et à prendre des photos sans avoir l’impression de voler du temps au plaisir de regarder. J’ai pris peu de photos, et j’en ai sélectionné encore moins.
C’est sur ma rétine que sont imprimés les éclats d’or et de couleurs minuscules. Je vous invite à aller sur place. A plonger, tout entiers, dans les ors de Ravenne.
Mais d’abord, faisons halte dans la campagne.
Pomposa, l’abbaye dans la plaine
Un campanile dans la plaine, dressé vers le ciel, guette au milieu de nulle part depuis le XIe siècle. L’Abbaye de Pomposa annonce de loin sa présence. Ses cloches et son regard d’aigle dominent les environs sur plusieurs kilomètres. L’arrivée en voiture ou en bus bouscule l’approche séculaire, mais n’annule pas la merveille.
Des fondations à son sommet, le campanile multiplie les arcs romans pour s’élancer, léger, vers les cieux. Une dimension qui nous échappe. Contraints par la gravité, nous nous dirigeons vers la nef de l’église, où nous attend une autre élévation.
Au dessus des colonnes de la nef, les épisodes de l’Ancien et du Nouveau Testament sont représentés dans le détail. La Bible en vignettes, peintes au XIVe siècle par la Scuola di Bologna. En bas, les créatures apocalyptiques échappées du Livre de la Révélation prennent possession de l’espace, dévorant les pêcheurs.
Ravenne capitale
Il y a peu d’échos de la période du IVe au VIe siècle dans mes souvenirs des cours d’histoire du collège. Les invasions barbares, la chute de l’Empire romain, Orient, Occident, Visigoths et Ostrogoths sont autant de termes qui reviennent vaguement dans ma mémoire. Aussi, un voyage a Ravenne est une occasion parfaite de reprendre un cours d’histoire.
Sans vouloir vous ennuyer ou épiloguer, quelques notions utiles :
- Ravenne a été la capitale de l’Empire Romain d’Occident
- Mais aussi du Royaume Ostrogoth (featuring Théodoric le Grand)
- Et encore de l’Exarchat d’Italie (en gros, une division administrative de l’Empire Byzantin)
On comprendra mieux la présence de mosaïques byzantines, de portraits d’Empereurs et de références à Théodoric un peu partout en ville.
La Basilique de San Vitale
Avant d’entrer dans la Basilique de San Vitale, notre guide nous arrête pour nous parler des nombres et de leurs symboles au Moyen-Âge.
En particulier, des nombres trois, quatre, sept et huit. Que vous évoquent-ils ?
Trois : le triangle, la trinité, le monde qui est au-dessus.
Quatre : le carré, les points cardinaux, le monde d’en-bas.
Sept : la somme du monde d’en haut et du monde d’en bas, la création et ses sept jours, l’ensemble du monde.
Huit : le tout plus un, symbole de résurrection.
Ces nombres sont omniprésents dans les représentations et dans la symbolique des mosaïques que l’on trouve à Ravenne.
Dans la basilique de San Vitale, l’espace est octogonal. On entre dans l’église par plusieurs côtés, pour se rassembler en son centre. Ceux qui ont visité Sainte Sophie à Istanbul retrouveront ici la sensation grandiose d’un espace dynamique. San Vitale est plus petite, mais appartient à la même ère culturelle.
Les bleus du Mausolée de Galla Placida
Juste à côté de la Basilique de San Vitale, se trouve une toute petite église, dite Mausolée de Galla Placida. Dans l’obscurité, derrière ses murs épais et ses fenêtres d’albâtre, les pièces minuscules d’une immense mosaïque vibrent d’une lumière inattendue. Après la Basilique où dominait le vert, on découvre l’infinie palette des bleus sur les fleurs, les ciels et les macarons de cette chapelle.
Ces deux visites sont certainement les plus marquantes. Mais elles ne sont pas les seules et la journée se prolonge d’un émerveillement à l’autre. Chaque visite est une plongée dans l’obscurité des églises, que réveillent les couleurs des mosaïques, l’éclat des ors.
Le Baptistère des Ariens
Sant’Apollinare Nuovo
Sant’Apollinare in Classe
Le midi, nous avons déjeuné dans un restaurant que je recommande : Ca’ de Ven, un lieu magnifique et des plats très bons. Ravenna est en Romagne, c’est-à-dire l’une des régions d’Italie où l’on mange le mieux. Pour faire local, il faut absolument tester la piadina avec du squacquerone, un fromage très crémeux. Ensuite, pasta al ragù, la fameuse « sauce bolognaise », avec des tagliatelle ou des strozzapreti (l’étrangle prêtre, une variété locale).
Cette virée à Ravenne aurait pu se prolonger en un weekend à goûter son atmosphère déjà printanière, à visiter avec plus d’attention son musée ou à flâner dans les rues piétonnes du centre. En attendant d’y retourner, voici une petite carte de ce que nous avons pu visiter en une journée :
C’est par un hasard tout vénitien que je me suis retrouvée à Ravenne. Au détour d’une calle, une conversation, une rencontre, « et si tu venais avec nous à Ravenna demain ? » C’est bien le genre de proposition à laquelle je ne dis jamais non. Voilà comment j’ai pu participer à une journée de visites guidées, organisée par John Hall Venice, un programme pour les étudiants en année de césure, qui propose à Venise des cours de langue, d’art, de photographie, et une découverte de l’Italie. J’en profite donc pour les remercier de m’avoir invitée 🙂
Envie de continuer le voyage ? Explorez Ferrare ou Bologne, deux voisines de Ravenne.
Mi piacciono molto i tuoi articoli, specialmente quelli sulle città. Ravenna sembra un vero gioiello !
Buona giornata.
Grazie mille, che bel italiano poi! Un abbraccio
Oui oui et triple oui ! Ta découverte de Ravenne nous évoque d’excellents souvenirs. La visite du Mausolée de Galla Placida est juste hors du temps. L’entrée derrière des épais rideaux afin de couper complètement la lumière… la finesse des mosaïques… l’éclat des couleurs… les moutons… les moutons !!! Tu ne parles pas des vitraux mais ils nous avaient aussi marqué (sobre mais composé de fine feuille de pierre me semble t’il). Es tu passée par Ferrare, qui est certes moins flamboyante, mais nous avait aussi bien plu. Au plaisir de te lire !
Oh merci Emilie ! Oui les moutons et leur laine m’ont aussi frappée ! C’est vrai que les vitraux m’ont moins marquée, obnubilée que j’étais par ls mosaïques, mais tu as raison…
J’ai écrit un article sur Ferrara, que j’ai visité à d’autres occasion, tu le trouveras dans la rubrique Emilie Romagne 🙂
Les églises et l’Italie, c’est vraiment un duo inséparable. Il y en a partout et elles sont toutes plus belles les unes que les autres !
Merci pour cette découverte de Ravenne, maintenant qu’on vit à Nice, nous ne sommes plus très loin et ira sûrement y faire un saut un de ces jours 🙂
Merci à toi Tim ! Et oui, un tour en Emilie-Romagne, Ravenne comprise, ça vaut le coup 😀