Pour moi, c’est bientôt les vacances… enfin ! Mes dernières remontent à Noël 2020, on était en zone rouge et j’ai fait du tricot… celles-ci promettent d’être plus mouvementées, même si la prudence est de mise et la situation sanitaire pas très rassurante. Enfin, je ne suis pas là pour parler du variant Delta, mais de livres. Avant de partir sur une petite île de la lagune de Venise, où je passerai une partie de ce repos en coupant les réseaux, je vous propose une petite sélection de lectures d’été pour les vacances.
Ce ne sont pas forcément des lectures « d’été » à proprement parler, mais des livres qui m’ont plu, récemment ou non, et qui pourraient vous plaire aussi. En été, je suis plus du genre à me lire un Dostoïevski parce que « sinon j’aurai jamais le temps de le faire » que de choisir un roman léger. Mais ne partez pas en courant, dans cette liste, il y a de tout, avec, comme toujours, l’Italie en fil rouge. J’ai sélectionné quelques textes disponibles en traduction, bien que certains soient un peu difficiles à trouver car plus édités.
Mais d’abord, un peu de musique. Pour me sentir en vacances, alors que je passe la journée à suer devant mon ordinateur, j’écoute en boucle le dernier morceau du groupe napolitain Nu Genea, Marechià. En plus, le clip donne envie d’enfiler son slip de bain et d’aller nager le crawl au supermarché.
🇮🇹 Vite sbobinate e altre vite, Alfredo Gianolio
Le long du Pô, les peintres naïfs semblent se bousculer. En tout cas, c’est l’impression que donne ce drôle de livre, qui retranscrit les vies de ces personnages, hommes et femmes, qui peignent sans avoir appris à le faire le monde qui les entoure. Pour l’écrire, Alfredo Gianolio, journaliste et auteur, encouragé par son ami Cesare Zavattini (soit le scénariste de pratiquement tous les films de Vittorio de Sica) a enregistré sur une radio-cassette les récits autobiographiques et morcelés de ces personnages aux destins jamais banals. Certains racontent leur existence, d’autres s’absorbent dans des considérations sur la vie, parfois métaphysiques, parfois plus terre à terre. Tous sont surprenants et attachants. Je suis encore plongée dedans, mais je me régale.
Vite sbobinate e altre vite, Quodlibet, 14,50€
🇫🇷 Casino Venier, Collectif
Entre la place Saint-Marc et le pont du Rialto, à Venise, il existe un petit palais méconnu et pourtant splendide… c’est le Casino Venier, actuel siège de l’Alliance Française de Venise. Difficile, en poussant sa porte, de ne pas fantasmer sur les usages passés de ce lieu si bien conservé, avec ses stucs, ses marbres, ses miroirs noircis… Quand j’y enseignais, je me suis posée une foule de questions sur les usages de ce lieu, ses propriétaires et les invités qui s’y pressaient. Dans ce livre, dirigé par Marie-Christine Jamet, se trouvent certaines réponses, notamment grâce au passionnant travail de recherche mené par Damien Lambert. En plus de ces courts chapitres historiques, le livre est en fait un recueil de nouvelles inspirées par le Casino Venier qui a accueilli tant d’écrivains dans le cadre des activités culturelles de l’Alliance Française. 🇫🇷🇮🇹
Casino Venier, Serge Safran éditeur, 22,90€ (Nota Bene : tous les bénéfices des ventes iront à la rénovation du Casino Venier, les auteurs ayant généreusement renoncé à leurs droits).
🇫🇷/🇮🇹 Le jour de la chouette, Leonardo Sciascia
Vous prendrez bien un giallo, pour l’été ? Autrement dit, un jaune, enfin, en français, un roman noir. On s’emmêle les pinceaux, peut-être pour pas grand chose car ce livre est difficilement classable comme un simple policier. Il s’agit en fait du premier roman italien sur la mafia, construit comme une banale enquête des carabiniers autour d’un meurtre par balle avenu à l’arrêt de bus dans le petit village de S., en Sicile. Mais la profondeur de l’analyse humaine nous conduit à explorer des mécanismes qui dépassent de loin la dynamique du fait divers. Avec une écriture aussi simple que dense, l’auteur en dit long sur ce qu’est réellement la mafia.
Le jour de la chouette, Leonardo Sciascia, Flammarion, 6,90€
Il giorno della civeta, Adelphi, 12€
🇫🇷/🇮🇹 Narrateurs des plaines, Gianni Celati
Avec les nouvelles de Gianni Celati, on retrouve le Pô, fleuve qui traverse toute l’Italie du Nord. Le long du Fleuve, entre la banlieue de Milan et le Delta, des paysages urbanisés à outrance aux étendues plus sauvages, les narrateurs de Celati nous racontent le monde autour d’eux. Simples, drôles, touchants, on y lit des vies réduites à quelques pages ou au contraire des anecdotes observées avec attention. Ce texte, et le travail de l’écrivain plus largement, assez peu connu en France (sauf erreur de ma part) a pourtant influencé un grand nombre d’auteurs et d’autrices après lui. Ce qui me touche chez Celati, c’est sa façon de s’intéresser à la périphérie, à ce qu’on regarde habituellement sans intérêt, et d’en restituer des histoires qui n’ont rien de banal ou d’ennuyeux, sans chercher d’excessifs effets de style.
Narratori delle pianure, Giani Celati, Feltrinelli, 8,50€
Narrateurs des plaines, Giani Celati, Flammarion, 15,40€
🇫🇷/🇮🇹 Ithaque pour toujours, Luigi Malerba
Lors de son retour à Ithaque, Ulysse, travesti, n’est pas reconnu par Pénélope. Comment, après toutes ces années à l’attendre, la femme peut-elle ne pas reconnaître son mari ? Dans ce roman, Luigi Malerba donne la parole à Pénélope et propose un récit alternatif de la fin de l’Odyssée. Doutes et ressentiment composent la trame d’un drame intime, où la figure du héros chancelle sur son piédestal. Un livre que j’ai dévoré, une très belle écriture : si vous ne trouvez pas ce titre, je conseille également Le Serpent Canibale, du même auteur, que j’avais adoré également.
Itaca per sempre, Luigi Malerba, Mondadori, 12€
En français, l’édition de 1997 semble épuisée et difficile à se procurer, malheureusement.
🇫🇷/ 🇮🇹 Tu es une bête, Viskovitz – Alessandro Boffa
Viskovitz, le personnage principal de ce bref roman, change de peau à chaque (très court) chapitre : cafard, cochon, escargot… la vie de Viskovitz est faite de peu de certitudes et de beaucoup de mutations. En réalité, il s’agit là d’un livre qui parle, sous un prétexte humoristique hilarant, de la vie animale. Son auteur, Alessandro Boffa, est un biologiste italien né à Moscou, et ce texte, d’abord paru en 1998 en Italie, a rencontré un grand succès, traduit dans plusieurs langues dont le français. Je suis encore en train de le lire mais c’est très drôle et absurde, à l’image de la couverture.
Sei una bestia, Viskovitz, Alessandro Boffa, 13,30€
D’autres idées de lectures par ici 🙂
Et vous, quels livres conseilleriez-vous pour l’été ?
A presto !
Grace a vous moi je decouvre avec enchantement le marche.
Excellents avis, Lucie!
À l’exception des classiques de Sciascia et Malerba, je ne connais pas vraiment les autres ouvrages.
Le livre de Boffa paraît particulièrement original et intéressant
Connais-tu L’ultima estate in città de Gianfranco Calligarich? Paru la première fois en 1973, il est devenu un sort de sensation au cours du temps, avec deux autres éditions publiées, dont la dernière de Bompiani en 2016, et en train d’être traduit en 17 langues.
On pourrait le penser comme une Dolce Vita adaptée aux années 70s, qui aurait pu servir, en partie, comme inspiration à La Grande Bellezza de Sorrentino, mais avec un ton inévitablement plus sombre et tragique (même si l’humour, très sarcastique, abonde.)
La narration se passe en grand partie à Rome où tu reconnaîtras peut-être certaines ambiances et atmospheres de la ville que tu as aimée.
Je n’ai eu l’opportunité de le lire pour la première fois que très récemment et je l’ai trouvé bouleversant et, finalement, de grande actualité.
Curieux de savoir ton avis si tu le lis jamais!
Merci beaucoup Dario pour ce conseil, mi ispira molto! Me lo aggiungo alla lista dei tantissimi libri da leggere 😀